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Passoires thermiques : le calendrier d’interdiction de mise en location confirmé par décret


Décret n° 2023-796 du 18 août 2023 pris pour l'application de l'article 6 et de l'article 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et adaptant les dispositions des contrats types de location de logement à usage de résidence principale (JORF n°0192 du 20 août 2023)


Au cœur de la loi de 1989 relative au bail d’habitation, la notion de « logement décent », contenu en son article 6, a sensiblement évolué en quelques années, restreignant la marge de manœuvre des propriétaires au nom de l’intérêt général. La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte y a adjoint pour la première fois une connotation environnementale. Le texte y avait introduit un nouveau critère de définition du caractère décent du logement ayant trait à sa performance énergétique minimale. Or l’appréciation de cette exigence est de plus en plus contrainte par les textes. Tel est singulièrement le cas de l’article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui avait à son tour modifié l’article 6 de la loi de 1989. Dans le cadre de la lutte contre les passoires thermiques initiée par les lois « Grenelle », le texte établit une exclusion progressive de la location des logements énergétiquement les moins vertueux.


Désormais, l’article 6 s’ouvre par une référence directe à l’exigence de performance du bâtiment : « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent (…) répondant à un niveau de performance minimal au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation (…). Un décret en Conseil d'État définit le niveau de performance minimal au sens du même article L. 173-1-1 à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée ». Le texte détaille l’évolution à venir de l’appréciation de la notion d’indécence énergétique. Seront considérés comme décents, et donc ouverts à la location régie par la loi de 1989 les logements situés :

« 1° À compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe F ;

2° À compter du 1er janvier 2028, entre la classe A et la classe E ;

3° À compter du 1er janvier 2034, entre la classe A et la classe D. »


Un décret vient d’être publié le 18 août 2023, confirmant intégralement ce calendrier. Celui-ci se trouve désormais inclus également dans le texte règlementaire détaillant la notion de « logement décent » (décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains). Les conséquences du texte sont fondamentales pour les propriétaires. Certes, l’entrée en vigueur des obligations énergétiques est graduelle afin de laisser le temps aux propriétaires de s’adapter. Toutefois, si cela ne concerne que quatre-vingt-dix mille logements en 2023, c’est près de cinq millions de résidences principales qui pourraient à terme être touchées par l’interdiction de location[1].


Signe qu’il y a là une contrainte redoutable pour le propriétaire, l’article 20-1 de la loi de 1989 offre au locataire une action dédiée lui permettant de contraindre le propriétaire à se mettre en conformité avec les textes, dans l’hypothèse où son logement n’atteint pas la performance plancher. Le cas échéant, il reviendra au juge de déterminer « la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il pourra réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu’à l'exécution de ces travaux ».

Le décret du 18 août 2023 apporte plusieurs limites à cette action. Ainsi, le juge ne peut imposer la réalisation des travaux dans certaines hypothèses (article 3). Tel est le cas tout d’abord « lorsque ceux-ci font courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos et couvert des bâtiments, attesté par une note argumentée rédigée, sous sa responsabilité, par un homme de l'art ». Tel est le cas ensuite lorsque les travaux nécessaires ont fait l’objet d'un refus d'autorisation par l'autorité administrative compétente.


Grégoire Leray

Professeur de droit privé

Centre d’études et de recherches en droit des procédures

Université Côte d’Azur

[1] N. Damas, « Renforcement de la lutte contre les passoires énergétiques », D. 2021. 1024 ; Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Interdiction de location et gel des loyers des passoires énergétiques, 10 mars 2023 (https://www.ecologie.gouv.fr/interdiction-location-et-gel-des-loyers-des-passoires-energetiques).

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