ll n’est pas rare qu’une entreprise commerciale mette en avant la qualité environnementale d’un produit ou d’un service afin d’obtenir un avantage concurrentiel. Il est vrai que le consommateur se montre de plus en plus sensible à l’argument. Toutefois, le droit positif peine à lui certifier la réalité de la qualité alléguée, et il semble fréquent que l’allégation soit trompeuse ou mensongère. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, la Commission européenne a commandé une étude[1] dont les résultats sont édifiants : sur cent cinquante allégations environnementales, 53,3% étaient vagues trompeuses ou infondées. Pire, 40% n’étaient pas du tout étayées.
Lutter contre ces allégations environnementales, est une absolue nécessité dans la perspective de la transition écologique. D’abord, ces pratiques de greenwashing ralentissent le développement de services et produits vertueux sur le plan environnemental. Ensuite, elles entraînent souvent un surcoût pour le consommateur qui pense acheter un bien ou un service durable, sans être en mesure d’en avoir la certitude. Enfin, elles créent une concurrence inique au détriment des entreprises ayant initié de véritables efforts de durabilité qui ne peuvent en tirer d’avantage commercial véritable, dans la mesure où leur vertu ne peut être bien démarquée des fausses allégations de leurs concurrents.
Le droit français appréhende le sujet par le biais de dispositions spéciales établies par la loi « Climat et résilience » (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021). En l’absence d’un cadre juridique précis, les bonnes pratiques sont recommandées par le guide du Conseil national de la consommation[2]. C’est principalement par le prisme des pratiques commerciales trompeuses (art. L. 121-2 et L. 121-3 C. consom.) que le sujet peut être appréhendé dans le cadre de contentieux. Ces pratiques font l’objet des sanctions pénales prévues par L. 132-2 C. consom. Le Code de l’environnement accorde en outre une attention particulière au sujet sous l’angle spécifique des allégations de neutralité carbone (art. L. 229-69).
Afin de mettre en place des outils véritablement dissuasifs, la Commission européenne a présenté le 22 mars dernier une proposition de directive amendée (Green claims directive)[3]. Le texte comporte dans l’exposé des motifs une définition des allégations environnementales, faisant actuellement défaut en droit français. Il s’agit de « tout message ou toute déclaration non obligatoire en vertu du droit de l'Union ou du droit national, notamment du texte, une image, une représentation graphique ou un symbole, sous quelque forme que ce soit, y compris un label, une marque, une dénomination sociale ou une dénomination de produit, dans le cadre d'une communication commerciale, qui affirme ou suggère qu'un produit ou un professionnel a une incidence positive ou nulle sur l'environnement, est moins préjudiciable pour l'environnement que d'autres produits ou professionnels, ou a amélioré son incidence environnementale au fil du temps. »
Cette appréhension très accueillante des allégations environnementales permettra une maîtrise plus contraignante des pratiques de greenwashing.
Alléguer de la qualité environnementale d’un produit n’a pas vocation à être prohibé par la directive, mais l’allégation aura vocation à être vérifiée de manière indépendante et l’entreprise devra être en mesure de démontrer l’existence de plusieurs qualités du produit ou du service énoncées par l’article 3. Il n’est pas anodin de souligner que le texte impose à ce titre que l’allégation repose sur des preuves scientifiques « largement reconnues », et que les performances environnementales alléguées sont « significatives du point de vue du cycle de vie du produit ».
Afin d’assurer le respect des exigences posées, la proposition de directive invite les État à élaborer des procédures de contrôle et à mettre en place une autorité en charge de l’application du texte disposant de pouvoirs d’inspection, d’injonction et de sanction (article 14).
La multiplication des règles encadrant le greenwashing, dont la proposition de directive est un élément central, entraîne un risque de responsabilité accrue des annonceurs, et devrait permettre à terme au consommateur d’être en mesure d’opérer un choix éclairé au stade de son acquisition[4].
[1] 30 mars 2022, SWD(2022) 85 final. [2] CNC, Guide pratique des allégations environnementales, 2023, 72 p. : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cnc/avis/2023/Allegations_environnementales/guide_2023.pdf?v=1685082633&trk=public_post_comment-text [3] Proposition de directive relative à la justification et à la communication des allégations environnementales explicites (directive sur les allégations écologiques), 22 mars 2023, COM(2023) 166 final, 2023/0085 (COD). [4] Pour aller plus loin, v. A. Stevignon, « Projet de directive ‘Green claims’ et lutte contre l’écoblanchiment », Dalloz actualité, 7 avril 2023.
Grégoire Leray
Professeur de droit privé
Centre d’études et de recherches en droit des procédures
Université Côte d’Azur
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